sources: Le Monde
Le 9 avril, la page MySpace de Soko affichait 2,2 millions de connexions. Ce qui fait de cette chanteuse et actrice française de 22 ans l’un des plus impressionnants phénomènes de la blogosphère et un symbole des nouveaux chemins d’un début de carrière.
Il y a un an et demi, Soko n’avait écrit aucune chanson. Et à ce jour, elle n’a pas encore enregistré d’album. Mais la Bordelaise Stéphanie Sokolinski – son vrai nom – vient de terminer le tournage de Je suis parti de rien, film de Xavier Giannoli, avec Gérard Depardieu et François Cluzet. Elle a donné une centaine de concerts en dix mois et en aura une quarantaine d’autres jusqu’à la fin de l’année. Elle sera au Printemps de Bourges le 19 avril et on l’annonce cet été dans d’autres festivals français (les Eurockéennes, les Francofolies, Sédières) et à l’étranger (The Great Escape, Glastonbury ou le Festival de l’île de Wight, en Angleterre, le Paléo en Suisse, Splendour in the Grass, en Australie, Pukkelpop en Belgique ou Dockville en Allemagne…)
Avec son ukulélé, cette folkeuse a écrit des comptines aux mots crus au point que le site du quotidien britannique The Times la qualifie de « très jolie fille à la parole très leste et à l’esprit encore plus coquin ». Son public aime reprendre en choeur I’ll Kill Her (Je vais la tuer) ou I Think I’m Pregnant (Je pense que je suis enceinte), tubes de la Toile. « Un jour, se souvient Soko, j’ai voulu faire cadeau d’une chanson à un copain. Je l’ai enregistrée sur mon téléphone portable. J’ai demandé à mon petit frère de jouer un peu de guitare dessus. » Suivent, dans un processus frénétique, une cinquantaine de titres en un an, de préférence bricolés sur son ordinateur. Comme pour la plupart des aspirants musiciens, une page MySpace est rapidement créée pour diffuser ses premiers morceaux.
CHANSONS PASTICHÉES
Soko autoproduit à 1 000 exemplaires un premier « quatre-titres », Not SoKute. Mais c’est Internet qui accélère l’histoire quand un DJ danois passe sur une radio nationale un titre découvert sur la page Myspace de la chanteuse. La chanson sera parmi les plus diffusées avant que Soko ne reçoive une première proposition de concert au Danemark.
David Barat, coresponsable de Bellevue Management, l’agent avec lequel Soko a choisi de travailler, veut reproduire ce schéma dans d’autres pays : « L’idée est de séduire une radio découvreuse de talents, de signer des concerts en partenariat avec elle. Cela coûte de l’argent mais l’investissement vaut la peine, surtout avec Internet comme caisse de résonance. »
La forte personnalité de la folkeuse, son goût du vagabondage, l’efficacité et la drôlerie de ses refrains ont séduit une multitude de pays. Faute de disque, les fans consultent sur Internet les titres et les images de concerts. « Le plus surprenant, s’étonne Soko, a été de découvrir sur YouTube des vidéos de filles pastichant mes chansons. »
Les oreilles rivées sur Internet, les directeurs artistiques des maisons de disques s’emballent à leur tour. « Nous avons reçu des propositions d’une soixantaine de labels dans le monde », dit David Barat. Soko a créé ses maisons d’édition et de production (Baby Cat Records) pour préserver son indépendance. Elle devrait enregistrer un album en mai, pour une sortie espérée avant Noël.
Soko veut signer des contrats de licence par pays qui lui préservent sa liberté artistique. En France, la maison de disques Because (Charlotte Gainsbourg, Justice, Manu Chao) semble la mieux placée, malgré des propositions de multinationales. « Cela ne nous empêchera pas de signer avec des majors dans d’autres pays », précise Barat.
Mais Soko veut aussi continuer de vendre elle-même sa musique sur son site. Dur à avaler pour les maisons de disques, d’autant que cette exigence pourrait devenir contrat-type pour la nouvelle génération de musiciens.
Stéphane Davet
Article paru dans l’édition du 11.04.08.
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